Carnet de route

Hourquette de Chermentas
Sortie : ski rando du 20/01/2024
Le 24/01/2024 par GUIRAUDIE GUY
Tout avait pourtant si bien commencé !
La route a été problématique, avec le mécontentement des agriculteurs et leur blocage des axes routiers, nous imposant un méticuleux gymkhana à travers les petites routes Tarn-et-garonnaises et Gerçoises. C'est donc un peu tard que nous arrivons au gîte de Astervielle dans la vallée du Louron. Nous sommes sept pour cette première sortie dans les Pyrénées, Philippe Heinrich, Jean, Aude, Thierry, Alain, (télé)Marc et moi-même. Les conditions de neige posent un réel problème pour le bon choix de rando du lendemain, finalement nous partirons de la station de Piau...C'est le rush sur les stations, la grosse fuite en avant, on dirait que les gens pressentent que c'est la dernière neige à skier. Le ski de rando aussi a fait bien des émules, et ils sont nombreux au départ ce matin...Il faut dire que les points de départ en rando ne sont pas (plus) si nombreux que ça vu l'altitude de chaussage ! Bref, dans tout ce joyeux bordel nous peautons, vérifions les DVA* et nous partons un ski devant l'autre dans le vallon du Badet. Assez vite nous nous éloignons de l'effervescence du parking, et sommes enfin dans une ambiance sauvage pleine de quiétude, loin du tumulte de la station qui est pourtant juste là, de l'autre côté du pic de Piau. Tandis que des groupes évoluent déjà au soleil sur les pentes Sud/Sud-Est nous restons à l'ombre sur les versants nord du vallon, l'arrivée sous l'astre solaire n'en sera que plus divine. Nous déambulons dans ce beau vallon, le petit saupoudrage neigeux de la veille a effacé toutes les traces d'avant, ce qui confère au lieu une ambiance immaculée. Tout le monde suit, tous sont ravis d'être là. La pente se raidit, nous sortons les couteaux, faut dire que j'ai choisi la rive droite du vallon, plus au Nord, moins fréquentée, sans traces et plus sauvage donc, du coup. Et, voyant le soleil bien plus tard, ces pentes sont moins soumises à d'éventuelles coulées de fonte, car Mohamed commence à bien chauffer les versants Sud! Nous sortons de l'ombre pour être inondé par les rayons de soleil bienvenus, ceci décuple la féerie du moment avec ses croupes recouvertes de poudre blanche, si vulnérable et éphémère sous l'assaut du soleil, déjà, en Janvier!
À la Hourquette de Chermentas, je découvre, avec soulagement, que les pentes sud qui descendent vers la Géla n'ont pas été skié, yahou comme dirait l'autre, nous allons pouvoir nous régaler dans cette belle pente gavée de neige juste transformée! Les peaux rangées, les chaussures serrées, les fixations bloquées je m'élance, et hop petite corniche....J'étais bien frustré de lire tous ces comptes rendus de sorties sur différents sites, j'ai enfin la neige qu'il faut sous les spatules pour avoir CE plaisir de glisse que chaque rebonds procurent, re-yahou!!! Je m'arrête un peu plus bas à l'abri d'éventuelles coulées (on-est-jamais-trop-prudent), d'autant plus qu'il apparaît des fissures de reptation, il nous faudra être vigilant. Je regarde les autres descendre un par un, tout le monde prend son pied apparemment... C'est assez béni, et inespéré comme conditions, toute la descente est magnifique, dans une glisse magique. Le point de mire pour le casse-croûte est la cassure où la neige disparaît pour laisser place à l'herbe. Nous profitons bien de ces belles pentes où la godille devient plaisante. La pente s’adoucit, je pars devant, skiant de belles croupes, restant vigilant sur les quelques requins affleurants. Emporté dans mon grisant élan , et oubliant une des règles élémentaires en ski hors-piste, à savoir "le changement de qualité de neige", je me fais avoir, pars en arrière, la dragonne du bâton retenant mon bras droit en l'air alors que je chute, et crac une grosse douleur à l'épaule tandis que je fini ma course le cul dans la neige. La douleur n'en est que plus intense lorsque j'essaie de me retourner, ce n'est pas un hurlement mais plutôt un beuglement qui sort de ma bouche !!! Les autres arrivent, surpris, et je peste de cette erreur de débutant car je sais, je sens, qu'il y a un truc de vraiment pas normal quand je porte ma main gauche à mon épaule droite... Lorsque je me relève la position verticale m'est impossible, impossible aussi de ramener mon bras vers la poitrine, le verdict est sans appel, il faut appeler les secours ! Philippe et Jean prennent bien les choses en main, Aude me sert un thé et me couvre les épaules. Tous sont aux petits soins, et moi je peste de les avoir mis dans cette situation, de leur "niquer" le week-end, grrrrrr (comme dirait un autre !). L'hélico doit arriver dans une demi-heure, putain j'ai mal. Philippe me propose un morceau de son pique-nique, je croque sans appétit dans la quiche, consterné d'être dans cette situation avec toutes les idées noires qui passent dans ma tête à la vitesse éclair. Les secours rappellent, finalement ils viendront plus tôt, car l'intervention d'avant vient d'être annulée, ouf, je respire ! Les directives d'éloigner tout le matériel ainsi que les personnes de la zone, et de coucher les skis à plat dans la neige sont mises en place, une seule personne restera avec moi (selon les mêmes directives), Philippe. On entend l'hélico, tout le monde s'éloigne, il fait un tour de reconnaissance, le lieux est bien dégagé, sur ce bas du vallon les pentes sont douces, et les conditions météos sont vraiment bonnes. Puuuuuuutaaaaiiiiiinnnn, ça décoiiiiiiiiffffffeeeeeeuuuuuuu!!! L'hélico se pose et j'ai l'impression d'être rentré dans un congélateur avec un méga ventilo qui nous envoie des cristaux de glace par la figure, Philippe se couche sur moi pour me protéger, les secours descendent, le congélateur s'éloigne, il y a un médecin, re-ouf ! Tout est mis en place pour me remettre cette putain d'épaule, perfusion, morphine, kétamine, tout un mélange qui me mettra dans un état second.... Et là commence une grosse partie de delirium tremens où je dois gérer la douleur physique vive qui me cisaille l'épaule, générée par les manip du médecin qui me tord et m'étire le bras dans tous les sens en essayant de remettre la tête de l'humérus dans son logement, et cette douleur émotionnelle activée par les différents produits qui circulent maintenant dans mon sang générant une impression d'être dans un monde parallèle, prisonnier de mon esprit où je me pose quarante milles questions anxiogènes sur ce qui m'arrive, et comment je vais sortir de là. J'ai l'impression que ça part vraiment en live cette histoire. J'entends Philippe qui me parle, me rassure, la situation doit être pathétique, j'imagine le groupe un peu plus loin, tenu à l'écart, voué à rester des spectateurs impuissants. L'hélico vient me récupérer, compliqué de marcher normalement pour m'y hisser dedans bien qu'assisté par les secouristes. On décolle. Un baptême dont je n'ai que de vagues souvenirs et quelques images furtives de sommets, faces rocheuses, et finalement l'ambulance qui m'amène aux urgences. Une radio est vite effectuée, pour au moins rassurer sur le fait qu'il n'y a pas de fracture dans cette zone. Je suis transporté dans une salle de soins où un temps interminable va s'écouler, entendant dire toutes les 5mn qu'un médecin va venir dans un moment. Aide-soignantes et infirmières sont régulièrement présentes, mais leurs messages de soutient n'enlèvent pas la douleur qui me brûle maintenant, ça dure vraiment depuis trop longtemps. Je penses aussi aux collègues qui ont dû remonter et, peut-être même déjà revenu aux voitures. Je penses qu'il faut que je donne des nouvelles car ils ne doivent même pas savoir où je suis, mais pour l'instant je suis vraiment pas en état... Finalement, vers 16h, je penses, le jeune urgentiste arrive, l'infirmière tient une corbeille avec une flopée de seringues dedans, un dernier élan d'humour me fait leur demander si c'est pour moi tout ce cocktail !!! Un liquide blanc est injecté par le cathéter, le médecin me parle, m'explique............. Puis me demande si j'ai toujours mal, et là, d'un regard de travers sur mon épaule je vois qu'elle a été remise en place, je le lorgne médusé et lance un "déjà" d'étonnement. Le bon dosage d'anesthésie aura suffit à m'endormir une fraction de minute pour laisser le champ libre au manipulateur. Dès lors je n'ai plus de douleurs, je peux utiliser mon portable pour appeler les collègues ainsi que "ma chère et tendre" pour donner des nouvelles. Décision est prise par le groupe de tout récupérer au gîte et de rapatrier au bercail en passant par les urgences de Tarbes. 19H, tous arrivent dans la salle, au grand étonnement du personnel soignant. Mes affaires, skis, sacs, chaussures (tout avait suivi dans l'hélico !) sont récupérées par l'un et l'autre, petite photo souvenir dans les locaux, et après avoir bien senti qu'on gênait le mouvement du personnel nous quittons les lieux. Sur le parking nous échangeons encore sur le déroulé de cette journée bien particulière, nous disons au revoir à ceux qui partent sur Cahors, et j'embarque dans la voiture qui rentre sur Figeac. Je suis bien patraque, et l'envie de vomir que j'ai depuis la séance de secourisme là haut est bien tenace, et ne me quittera que lorsque je serai enfin dans mon lit, après 4h de route qui m'auront paru une éternité, et que Marc, Aude et Alain m'aient ramené "at home", ayant au préalable récupéré ma voiture à Villeneuve. Je dis encore merci à tous pour tout ce qu'ils ont fait, leur patience et leur dévouement. Une putain de journée !
Tout avait pourtant si bien commencé!!!
* Détecteur de Victimes en Avalanches