Carnet de route
un tour au Vignemale
Le 29/04/2022 par guiraudie guy
Un an après, l'alliance CAF Cerdagne/CAF Figeac a encore donné de la voie sur les sommets, Philippe Vergé nous concoctant quelques entremets sur le massif pyrénéen.
Pour la Cerdagne, Philippe Vergé et Jean-pierre, pour le Figeacois Hélène, Nico et moi-même .
C'est sur le massif du Vignemale que nous sommes allés traiter nos spatules, au départ du Pont d'Espagne avec deux nuitées au refuge des Oulettes. Un long portage nous permet de chausser les skis vers 1900m, sur une neige ocre, rapidement transformée par la chaleur de ce week-end Pascal. Le Vignemale, qui domine la vallée, était lui plâtré de blanc, résultat d'épisodes neigeux du milieu de semaine. Au fur et à mesure de la montée au refuge nous quittons les couches de vêtements, sortons crème solaire et casquettes et constatant la transformation et l'alourdissement du manteau neigeux nous prenons conscience que la journée en ski sera écourtée. Effectivement, l'après-midi se passera à la terrasse du refuge dominée par la face Nord du Vignemale, où nous observerons les allées et venues de toute sorte de randonneurs. Les lieux seront même le théâtre d'un héliportage suite à une chute d'une skieuse dans cette neige devenue pourrie sur ces pentes Est qui chauffent depuis les premières heures. Le refuge se remplit petit à petit et nous apprenons que plus de 80 personnes sont attendues, saturant la capacité d'accueil. Vu les conditions méteo, parti est pris de se lever à 4h30 pour un départ à 5h15. En ligne de mire le Pic de Cerbillona proche de la Pique Longue et faire la descente du long couloir Nord Ouest qui plonge, depuis le Col du même nom, sur le Rio Ara 800m plus bas, pour ensuite revenir par le Col des Oulettes (ce Philippe quand même!!!). Le repas nous conforte dans ce que nous savions déjà à force de fréquenter les refuges pyrénéens : les Espagnols sont bruyants !!!
4h30, les sacs déjà prêts de la veille, nous déjeunons et chaussons les skis à 5h16 pétantes. Le clair de lune est intense, la réverbération de la neige aidant, la clarté est quasi diurne; il nous faudra les frontales quand même car nous allons monter à "l'ombre" du Vignemale et de son petit frère. La montée est raide et soutenue, Philippe faisant une trace précise sur la neige heureusement durcie par le regel nocturne que nous espérions. Au gré des conversions nous gravissons le dénivelé pour sortir à la Hourquette d'Ossoue, dessus!!
Le soleil nous accueille de ses premiers rayons, illuminant d'orange les cimes les plus hautes et nous réchauffant. Nous faisons une première descente vers le vallon d'Ossoue pour basculer versant Sud des crêtes du Petit Vignemale. La neige est bien regelée, les prises de carres sont précises, les virages sûr, seules les oreilles et les jambes souffrent du bruits et des vibrations engendrées !!! Plus bas, une fois passé la crête et avoir pris "ski" sur ce qui autrefois était encore le glacier, nous traversons sur un terrain jonché de petites coulées de purges où les boules de neige durcies par le gel rendent l'évolution inconfortable. Devant nous, par delà la première moraine s'étend le glacier d'Ossoue, comme tous les glaciers, tels des peaux de chagrin, celui-ci est bien diminué mais avec son étendue il reste encore le plus grand glacier des Pyrénées françaises. Au loin deux silhouettes se dessinent, qui, vu leur différence de taille ne peuvent être que le père et son fils de 10 ans qui évoluent en raquettes. Croisé la veille au refuge, ils devaient dormir à Bayssellance pour faire le sommet aujourd'hui, leur montée vu du refuge paraissait bien laborieuse, aussi les voir ici nous rassure. Dure bavante quand même pour ce petit de 10 ans. Il est 8h00, les radiations des rayons solaires se font déjà sentir et à mesure que nous montons nous sentons la neige se transformer sous les skis. Faudra pas trop traîner quand même !
S'il fallait narrer ici la montée proportionnellement au temps passé, il faudrait assurément plusieurs pages, aussi je vous propose de nous retrouver quelques centaines de mètres plus haut, jusqu'à la sortie du couloir de Gaube, où Jean-Pierre et Nico sont allés jeter un œil, et en profiter pour féliciter le jeune Til d'avoir fait cette ascension, car il s'agissait bien du duo père/fils que nous avions aperçus tantôt. Nous laissons la Pique Longue pour rejoindre plus haut le col de Cerbillona.
L'expression immédiate qui fige nos visages en découvrant le couloir et son état plutôt en "non-condition" ne laisse aucun doute quand aux alternatives pour le reste de la journée. Nonobstant le franchissement de la corniche qui surplombe le couloir, ce dernier est garni de coulées de neige dans son axe et le départ est en neige apparemment dure sur une zone exposée aux chutes , dont acte ... Il est décidé de changer les plans et de faire le Vignemale en aller/retour, ce qui est moins exotique que la boucle initialement prévue. Une chance pour Hélène de faire la Pique Longue, elle, à qui le sommet a échappé tant de fois !! Ce qui fût dit fût fait, et après un "cramponnage"dans une neige humidifiée nous rejoignons le sommet 200m plus haut. Ça reste quand même un super point de vue 3300 mètres de haut !!! Nous ne tardons pas trop, la neige transforme vite maintenant, et déjà, à la descente les traces se font plus profondes. La descente sur le glacier et la neige juste transformée offrent tout ce que peut espérer un skieur dans le plaisir de la glisse, le vaste espace de l'endroit décuple les sensations et c'est dansant sur nos spatules que nous rejoignons le bas du vallon pour basculer versant Bayssellance et remonter, toutes peaux dehors, jusqu'à la Hourquette d'Ossoue, où il y a plutôt foule !!! Une fois les préparatifs à la descente finis, et après avoir laissé filer un premier groupe nous nous élançons pour skier ce que nous avons monté à la frontale le matin même. Là aussi la neige nous permet du bon ski, sauf peut être la coulée d'avalanche qui nous fait regretter de ne pas être resté sur les pentes de droites. C'est vraiment limite pour skier à cette heure-ci, plus bas c'est du ski nautique !! Reste plus qu'à traverser sur quelques centaines de mètres le plat des Oulettes qui nous sépare du refuge, là, traversée du ruisseau et après avoir mis à sécher ce qui doit l'être nous nous faisons quelques thés et cafés sur le réchaud que Jean-Pierre se trimbale depuis le début, pour finir quand même par une bonne bière ; Avec le soleil et le point de vue ça devrait le faire !!!
Demain une autre journée nous attend. Levé 5h00, même rituel que la veille, en trois quart d'heure nous sommes prêts. La lune est au rendez vous et nous accompagne pour la montée au Col des Oulettes, véritable champs de mines tant il a été fréquentés par les skieurs, raquettistes et autres randonneurs à pied. Toutes ces traces et aspérités regelées sont autant de petits obstacles qui rendent la progression fastidieuse. Nous évoluons vers le col en même temps que le soleil s'élève, commençant à teinter d'orange les sommets et faisant rougeoyer le levant. Au col, un petit vent nous saisi qui nous fait réajuster nos vestes sur le cou et rentrer la tête dans les épaules, nous battons des bras et tapons des pieds pour nous réchauffer tandis qu'Hélène nous rejoint. La descente coté Ouest à l'air propre, en tous cas pas saccagée par les traces comme le versant que nous venons de gravir. Le ski y est d'autant plus agréable, en usant du mordant des carres pour bien enrouler nos virages. En bas petite glisse et légère poussette pour arriver sous le col d'Aratille où les 200m de dénivelé ne seront qu'une formalité. Après un passage au soleil, bienvenu, nous retrouvons la fraîcheur de l'ombre en arrivant au col. Ici collation et dépeautage pour se laisser glisser en petits virages jusqu'au vallon plus bas qui nous permettra de rejoindre le sommet du pic Alphonse Meillon. Philippe nous guide jusqu'au départ d'un long goulet, et c'est une longue série de conversions qui nous attend pour en sortir. Au dessus une belle et large coulée d'avalanche, partie de bien plus haut, occupe le terrain et nous oblige à un gymkhana d'équilibre sur les blocs de neige roulés par la masse rampante. Une fois sortis de ce chantier la pente se redresse encore et, sur la neige durcie, nous devons bien ancrer les couteaux pour sécuriser les conversions. Sur une croupe au soleil tout le monde se rejoint ; au dessus de nous la pente sommitale nous domine, nous y cherchons le cheminement le plus judicieux, de toute façon c'est le terrain qui donne le tempo au fur et à mesure que nous progressons. Nico fait la trace, petit à petit le groupe se disloque, Jean-pierre préférant chausser les crampons tant qu'il en est temps, Hélène et Philippe font de même sur un replat confortable, tandis qu'avec Nico nous continuons d'évoluer à skis sur lesquels les appuis sont de plus en plus réduits. Finalement je sortirais à droite pour chausser à mon tour les crampons et finir par une étroite arête de neige, alors que Nico, resté sur la rive droite du couloir monte par les rochers et arrive directement au sommet. Je l'y rejoins, suivent Jean-pierre, Philippe et Hélène, tous un large sourire aux lèvres, contents de cette arrivée aérienne avec en toile de fond le grand Vignemale. Il y a juste assez de place pour nous cinq, la météo est au beau fixe, pas de vent, nous cassons la croûte sur notre nid d'aigle. Le panorama que nous offre ce sommet permet d'avoir une vue à 360 °, des Aiguilles d'Ansabères à l'Ouest jusqu'au massif du Mont Perdu à l'Est. Nous partons skis aux pieds du sommet. Le départ, une petite traversée impressionnante, car ici mieux vaut ne pas chuter, pour basculer sur une pente à 40° où les virages seront les plus courts possible faute de place, vaste défit pour Nico et ses longs télémark. Le soleil a chauffé la neige, et c'est sur un doux velours, pentu, que nous descendons plus sereinement une fois le passage raide sous le sommet éloigné. Nous rejoignons Hélène qui récupère ses skis troqués par les crampons plus tôt. Il nous reste tout le long goulet et sa coulée d'avalanche à passer, mais plus simple finalement à gérer qu'à la montée ; première traversée, virages, deuxième traversée, virages et une dernière traversée qui nous permet de prendre ski sur une croupe au soleil. Et là, que du bonheur !! Le long talweg se transforme en un toboggan ludique où nous laissons les skis suivre les courbes, jusqu'à un champ de neige qui s'ouvre à nos spatules pour y faire de belles godilles ! La descente en ski se poursuit, pleine de plaisir, pour ce retrouver plus bas dans une espèce de matière mi-sable mi-neige où nous essayons de trouver le cheminement entre ruisseaux, arbres et rochers. Philippe nous guide directement jusqu'au pont qui enjambe le torrent qui coule le long de la vallée du Marcadau. Les skis sur le sac, il nous reste six bornes à faire à pied pour rejoindre le pont d'Espagne, en jetant derrière nous, comme souvent en fin de rando, un dernier coup d’œil vers ces sommets foulés par nos skis, et où nous projetons, sûrement chacun dans nos têtes, d'y revenir assurément prochainement. Bientôt nous sommes dans le brouillard qui stagnait depuis le matin dans la vallée et il nous restera la route pour continuer à faire vivre ces bons moments que nous avons passé là-haut sur les montagnes. Merci Philippe !!!





